lundi 3 mai 2010

172 : dimanche 2 mai 2010

"Je vous écris d'un pays lointain" (12) C’est aujourd’hui temps de tempête. Loin de l’océan, je vis, mais jusqu’à moi le grand chambranle des vents. Dernière fois qu’ainsi, beaucoup d’arbres leurs dents tournées au ciel, et nombre les tuiles à l’envol sur toit de maison mienne. Certitude forte de n’y pouvoir âme. Jamais le vent tu n’enserres, toujours le vent tu sais. Les heures avant, le sentir qui s’approche, et longtemps après hocher à ses traces. Mon grenier ainsi, pendant dernière année pièce interdite. Trop de risques que toiture ne s’efflanche. Manque très fort, car souvent je prenais goût de venir là et caresser les urnes. Puisque lieu où l’alignement des vases de funérailles, ici. (Jamais vous ne parlez comment vous traitez vos morts, un jour sans doute ?) Longue rangée d’étagères où venir seule, et toujours diapason funèbre avec. Très doucement toquer un vase et entendre le chant. Toujours chanson nouvelle les morts accordent, chanson d’avec le temps qui nous traverse. Ainsi donc que me semble. Bien à vous, …

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Sous la douche, elle écoutait, par la porte ouverte sur le nid de sa chambre, la radio la mettre en présence de merveilleux centenaires, surtout un homme à la voix ferme, aux phrases solidement dessinées, assez pour que la gentillesse de la jeune journaliste et son timbre clair, involontairement triomphal, perde de sa condescendance réfrénée. Et elle se redisait qu'elle admirait, mais n'avait aucune envie de vivre aussi longuement, ridicule tout de même un peu trop grand, même pour elle qui en avait l'habitude, pour celle qui avait décidé à l'adolescence que la vie ne la concernait pas, qui jouait avec l'idée de sa fin de façon si familière qu'elle ne s'y décidait pas, et avait laissé son corps batailler avec une force entêtée lorsque la mort était devenue une possibilité moins éventuelle. Rentrée dans la coquille bleue de la chambre, habillée, immobile devant le miroir, sans se regarder, ou pas vraiment, par habitude, pendant que la radio s'effilochait en chansonnettes, continuant sur ce chemin, parvenue à sa décision ferme de ne pas arriver au moment de la dépendance, par fierté égoïste, et pour ne pas gêner, une petite colère impuissante lui est venue en repensant à sa dernière tentative – elle avait appuyé juste assez pour que cela ne soit pas simplement propos glissants dans leur conversation tranquille - pour obtenir l'engagement, l'acceptation par ses frères et sœurs, de respecter son refus de voir ses cendres être conservées et s'imposer aux restes de ses parents (encore surprise par l'indignation que cela avait soulevé), et de toute cérémonie, surtout religieuse. Devant le refus, cette fois très net, elle avait plaisanté, en disant qu'à vrai dire, puisque bien entendu elle n'existerait plus, cela devait lui indifférer. Mais justement non, et elle se révoltai à cette idée, pensai que l'amour ou l'affection pouvait être une façon de s'approprier, de nier, son objet, se désespérai de savoir qu'elle ne pourrait, alors, dénoncer l'imposture que cela serait. Elle cherchai un moyen de le faire, de se dégager, de les laisser seuls avec le mensonge dans lequel ils se complairaient (petit sursaut en imaginant le prêtre forcément inconnu qui infligerait ses mots au peu qu'elle avait été, et qui ne le concernait pas). Une fois encore, elle s'est calmée, un peu, pensant à l'ironie de cette mascarade, petite vengeance – et elle a pensé au reste de la journée.

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Il en manque un. Mais où est-il donc ? Ce qu'il fait : il manifeste son absence pour faire date.