samedi 1 mai 2010

170 : vendredi 30 avril 2010

Nous ne fumions pas, nous ne buvions pas, n’usions d’aucune drogue, d’abord naturellement, sans que l’absence de telles pratiques relève d’une démarche quelle qu’elle soit, puis, aussi, avec une volonté de se différencier des gens de notre âge, dont la plupart nous trouvait étrange en cela, comme en bien d’autres de nos comportements. Il n’était d’ailleurs pas bien difficile de sortir du lot parmi ces lycéens ayant précisément pour hantise suprême celle de se faire remarquer par le reste du troupeau. L’alcool : nous n’en avions pas besoin pour nous amuser, revendiquions-nous. Nous étions persuadés qu’on boit toujours pour oublier, et que nos congénères buvaient pour oublier qu’ils s’ennuyaient, que les gens en compagnie desquels ils buvaient n’étaient drôles et ne leur étaient pas des amis. Aujourd’hui, nous buvons pour oublier que nous avons nous aussi quelque chose à oublier, ou pour nous souvenir du temps où nous souhaitions ne rien oublier de ce que nous vivions.

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Le souvenir de ces cinq mois de mi février à mi juillet est celui d'une chute. Une chute de cinq mois, c'est long, ça fait tomber bas. Le constat que la chute eut lieu il y a sept ans m'abasourdit : près du quart de ma vie désormais écoulé depuis la chute, ayant chuté et surtout, chu. L'écroulement me fit rencontrer le sol loin de la ville, aussi n'eus-je d'autre choix que de m'en remettre aux conseils d'un médecin généraliste assez ignorant de ces circonstances, et qui recommanda un établissement spécialisé, situé dans la ville qui là-bas est la préfecture. C'était sage reconnaissance de ses propres limites. Ainsi, je me rendrais chez les fous, et rejoindrais de fait la confrérie où j'étais désormais légitime. Le parking de l'hôpital était écrasé par le soleil de l'été, il jouxtait la pelouse tendre où reposaient de calmes pavillons. Les platanes qui bordaient l'allée étaient aussi tranquilles que j'aurais toujours voulu l'être, aussi abrités du doute de leur viabilité que j'étais paniqué.