mercredi 30 novembre 2011

733 : mardi 29 novembre 2011

À force de se bercer d’illusions, les Magiciens ont développé une forme subtile de nausée chronique. Et c’est maintenant de mélancolie qu’ils se bercent, à trop sentir sous leurs pieds ce qu’ils croient encore être le roulis de la mer.

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J'aime à concevoir ce que les objets peuvent avoir de présence. On dit que la quintessence des vivants s'imprime de manière durable en leur surface, leur conférant un supplément d'interactivitéité en particulier avec nous, qui sommes partie des étants, ou pour certains de l'étant. Ce genre de vue se trouve notamment chez ceux-ci qu'on nomme spiritualistes, ou animistes, les religieux ont aussi coutume d'y recourir : Ceux qui donc se plaisent ou se trouvent à voir plus que ce qui se donne à sentir en ce monde. Plaisantes imaginations, tours de l'esprit, vaines supputations : L'étant humain est irrépressiblement tenté de réifier, de doter d'identité et d'intentionnalité ce qui se donne à lui d'inexpliqué : les milles et un « signes » du monde. Le chien se contente sagement à son échelle de gémir ou de s'agiter.

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Ce serait flottant, comme surgissant depuis le toit de la longue façade à ma gauche, un ciel en masse noire, qui s'amenuiserait peu à peu, s'effilocherait en haillons sombres ou d'un gris décourageant, qui s'avançaient contaminant, rongeant, le blanc grisâtre en couches superposées, très fines, amas de mousseline, accroché au souvenir d'un halo rose très doux, tirant sur le pèche, en mémoire d'un soleil en train de sombrer au loin.

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Larmes. Cœur qui s’affole. Dents serrées. Corps tendu comme un arc. Elle. N’en peut plus. Sa tête hurle. Elle. Va mal. Elle. Se regarde. Se froisse. Se jette. Se rejette. Disparaît.

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Tout le village était rassemblé face à la montagne, sur la place de la fontaine. Cette fontaine dont l’eau changeait toutes les fois que les Hûles se posaient en un nouveau lieu, cette fontaine qui, jusqu’à ce jour n’avait jamais déçu le porteur de cruche, semblait à présent tarie. Archos avait demandé à chacun de venir assurant que la présence de tous était indispensable. Devant les enfants, les adultes et les vieillards, il s’expliqua, dit ce qu’il savait des méfiances de la montagne ainsi que de la tristesse de la fontaine à laquelle depuis si longtemps, personne n’avait rendu grâce, à l’exception de deux enfants. Il demanda ensuite à Damouce de répéter les gestes simples du matin, lorsque, sortant de chez elle la petite éclaboussait joyeusement sa frimousse ainsi que la fleur sculptée dans la pierre située derrière le bassin, et parfois même quelque oiseau suffisamment curieux et imprudent pour qu’elle parvienne à l’arroser. A sa suite, Tamel rejoua ses propres gestes, plus lents et silencieux, ponctués de pauses, d’attentes et d’écoute de l’eau. Toute la journée, chacun à son tour fit, comme si l’eau coulait encore, les actions simples du quotidien de la fontaine, mais ce jour-là – grâce à l’absence de l’onde qui forçait l’esprit à aller chercher les souvenirs au-delà de la paresse – bien plus éveillé au merveilleux dont il se trouvait alors privé.

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D'épuisement elle bégaie, gémit. Ses membres tremblent alors qu'elle défend sa thèse devant le jury aligné. Bientôt fini, bientôt la liberté, enfin.