mercredi 23 novembre 2011

726 : mardi 22 novembre 2011

L'enfant n'a rien dit, et moi je n'avais pas envie de parler. J'ai souvent peu envie de parler. L'enfant en moi était d'ailleurs suffisamment présent (autre part que dans mon souvenir) pour que je ne me sente aucune obligation d'assumer le rôle d'adulte qu'on attendait de moi. Mais je ne suis pas un enfant non plus. Et puis il n'y avait aucun jeu de langage à ma disposition. J'ai épuisé mon crédit par excès d'honnêteté. Et puis surtout, je n'ai rien à dire. Déchargé de l'obligation de dire. Détaché de l'empathique phatique. Très bien comme ça. Cela repose au fond. Au fond de l'être. On n'imagine pas... Aussi loin que je regarde en moi. Aussi loin que porte mon regard devrais-je plutôt dire. Un aussi loin limitatif, circonstanciel, à géométrie variable. Dans la pièce il y avait des livres, c'étaient des livres d'histoires, pas des livres techniques. C'est parce que les humains aiment les histoires. Les histoires ont un goût de revenez-y, mais les conteurs ont d'ordinaire la fin difficile, voire abrupte. L'enfant a éclaté de rire. Un rire très sonore. Un peu lourd, gras quelque part... Mais je ne lui en voulais aucunement. Moi je fais un petit bruit avec mon nez. Difficile à représenter par des lettres. Finalement il y eut la pluie, douce et régulière.


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La lumière changeante caresse encore un peu la vitre, tandis que la ville s'illumine doucement de la fin du jour.


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Une des naissances de Tamel, une de celles à laquelle il avait survécu, conduisait malgré tout à un gouffre sans lumière. Ni sa mère, ni aucune des personnes présentes au moment de l’accouchement n’y étaient pour rien, la cause était extérieure à la petite pièce où l’enfant était venu au monde. A l’instant même où la tête de Tamel sortait du ventre qui l’avait protégé et nourri pendant près de neuf mois, un oiseau noir passa devant la fenêtre et poussa un cri profond et aigu. Contrairement à la plupart des nouveaux nés, l’absence de réaction du bébé lorsqu’on passait la main devant ses yeux ne disparut jamais. Ce Tamel là, et tous ceux qui poussèrent sur sa branche eurent des pouvoirs plus grands encore que les autres, et notamment celui de les dissimuler à tous. Seul Archos, car il y avait bien sur quelqu’un de ce nom dans ce village des Hûles, seul Archos devina ce qui se cachait de regard derrière les yeux aveugles de Tamel, et, durant toute son enfance, il s’efforça d’aider celui-ci à apprivoiser ces talents.