samedi 10 avril 2010

149 : vendredi 9 avril 2010

Deux pigeons se côtoyaient, en totale indifférence. Soucieux de chercher pitance, d'étancher leur soif, de circuler sans trop de risque, un moment, jusqu'à ce que le besoin, ou rien, une impulsion, un instant, les fassent rejoindre, ailes battantes, bruyantes, musique désordonnée et unie, une troupe de passage pour investir un fronton, prendre le soleil avec béatitude et conformisme, et puis repartir brusquement, obéissant à la décision d'un qui se voulait chef, leader, fugacement. Mais là, dans le frais du matin, ils trottinaient, affairés, séparés et proches, et peu à peu se créait entre eux un lien, un rien, juste le compagnonnage, une petite fraternité dans l'action, qui, dans une brèche de temps, un instant prolongé, devenait tout.

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La prairie explosait de fleurs, et sur le vert intense de l'herbe tendre, leurs couleurs étaient si éclatantes dans le soleil que j'aurais déjà pu me croire dans un souvenir. Il y avait au fond de l'air la mémoire de la fraîcheur où s'apaiser, pendant que la lumière bonne nous baignait de sa tiédeur légère. Le rouge des coquelicots et le jaune des boutons d'or, le blanc souple des pâquerettes, des myriades de points irradiants tremblaient sous le ciel grand ouvert et dans le vent tranquille. Tu étais là et tu portais avec ta robe légère la blancheur de ta peau douce. Nous ne disions rien. Nous marchions. Tout était possible alors nous n'avions rien à faire. Nous nous assîmes un moment, tu m'a laissé poser ma tête sur ton épaule nue et ma main sur l'intérieur de ta cuisse. Je t'embrassai la nuque, caressai tes épaules et bras, tes cheveux et tes cuisses, partout ta chair au bord de tes seins et de ton visage, parfois tu prit une de mes mains et la baisa. Je compris que l'air calme, le ciel beau, les fleurs par milliers et la prairie enchanteresse, tout ceci n'était que de toi, que partout était toi. Que tu étais toute la beauté du monde mais qu'elle y était partout par toi.