vendredi 9 avril 2010

148 : jeudi 8 avril 2010

Il sentait très bien que pister le tueur à la chiasse allait bientôt lui bouffer un paquet de son temps, à faire comme le Petit Poucet sauf qu'à la place des cailloux se seraient des mares de merde avec des macchabées au fond, comme des foutus cafés géants remplis à ras bord de chierie avec des égorgés pour faire les morceaux de sucre et avec lui, le Stup', pour devoir touiller. Et comme la gueule de son nouvel emploi du temps se voyait comme un étron au fond de la cuvette des chiottes un jour où il n'y a plus de papier, le Stup' s'est dit qu'il fallait qu'il profite du petit créneau qu'il avait sous la main maintenant que les toubibs étaient en train d'éplucher disséquer désosser l'appartement du crime. Pas le mauvais moment pour pousser un coup jusqu'à Maisons-Alfort, et reluquer ce que les établissements Yougo & Yougo avaient à proposer dans leur entrepôt, au rayon hachoir maxi-puissance pour gros tas de carne. Juste un petit crochet avant de revenir à la chiasse en fin de matinée.

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Aujourd’hui la joggeuse est arrivée le long du canal à huit heures pile, comme d’habitude, en survêtement rouge, rythmant énergiquement son talon-fesse et balançant sa queue de cheval en cadence. En repartant, elle a croisé la vieille clocharde fagotée de vêtements superposés qui s’avançait sur le quai en bougonnant, les mains croisées derrière le dos. Celle-ci s’est s’assurée par un long regard qu’elle était seule au bord de l’eau, en contrebas de la voie de circulation ; alors d’un mouvement preste, elle a soulevé jupes et jupons, ô la sale, pour faire pipi, au vu des huit étages de l’immeuble en surplomb. La journée, ensoleillée et tranquille, s’est écoulée entre péniches et bateaux mouches, promeneurs et chiens en goguette. Vers 19 heures, un homme à casquette est arrivé, chargé de sacs. Ignorant des avatars du matin, il a installé au bord de l’eau un carton en guise de table, qu’il a recouvert d’une nappe blanche, verres à pied et bouteille de vin… Puis il a patiemment attendu sa dulcinée. Et cette nuit, à 3 heures du matin, une voiture s’est arrêtée, une porte a claqué, des éclats de voix : une dispute entre le conducteur et sa passagère : sa femme ? Sa maîtresse ? Son associée ? La voiture a démarré en trombe, les pneus crissant, abandonnant madame les bras ballants sur sa jupe plissée, désemparée et vacillante sur ses talons hauts. Alors est arrivé un camion, 18 tonnes de livraison, qui l’a dépassée, a ralentit et tout doucement fait marche arrière pour revenir à sa hauteur : hé, hé, hé… Elle est partie au trot. C’est la vie des quais du bord du canal. Je l’observe tous les jours derrière la baie vitrée de mon salon, dans mon appartement du premier étage.