Le store, grillage de fer, resté
à demi ouvert... Au bas de la vitrine on apercevait une photographie encadrée.
La photographie représente une fleur blanche, unique, une orchidée, dans un
vase noir élancé, sur fond de ciel blanc, très lumineux. Assez lumineux pour en
distinguer l'ombre nette, sur les contours indistincts du socle en pierre. On
ne sait cependant si le regard ne pouvait être influencé par l'ordinaire des
reflets du jour sur la vitrine. Ce qui se reflète, dans la vitrine... Ce qui
s'y renvoie en un instant unique à chaque fois ce sont ces figures perdues dans
le quotidien. Tout ce qui s'y reflète…Des centaines
de visages, ne serait-ce que le temps d'une demi-journée. Les couleurs du ciel;
nuages, ombrages, pluies, éclaircies, teintes pastel ou appuyées. La
circulation; voitures, taxi, autobus, vélos, motos. Les panneaux publicitaires
en face que l'on voit en obliques. L'usure des jours. Les couleurs du jour.
Cette vitrine n'a pas plus d'une trentaine d'années. Par endroits le verre y
est abîmé (usure due au frottement des stores de fer, érosion presque
imperceptible, mais inévitable) Le verre, agglomérat de silice, défini par des
qualités de transparence et de solidité, garde un temps la mémoire de la
chaleur, pas celle des formes et des lumières que ce matériau renvoie. Sa
structure isole l'intérieur de l'extérieur et répercute les ondes sonores d'une
façon ou d'une autre dans un espace donné. Les bribes de paroles qui sont le
fait des passants, les bruits de moteurs, klaxons, les bruits de freins générés
par la circulation des engins motorisés, le son du chant des rares oiseaux. Tout ce qui
s'y passe est éphémère ;
on rencontre pourtant certains motifs répétitifs, certaines situations usuelles
dans ces quartiers de la ville qui sont plus qu'animés, dans une des rues du
centre, dites "commerçantes" où j'aime parfois m'en aller, au hasard,
le soir venu, lorsque tout est fermé.