lundi 14 juin 2010

214 : dimanche 13 juin 2010

A lire vite ! ! Il l’a reconnu tout de suite. Vingt ans qu’ils ne se sont pas vus. Elle ! Elle, marchant sur le trottoir d’en face. Il ne l’a jamais oublié : les regrets qu’il ne se soit rien passé… Il le savait (on sent ces choses là), des rencontres comme ça, on en a peu dans une vie. Son expérience l’a confirmé. Elle est seule - Est-elle seule ? Agir vite. Elle est éloignée déjà, bon sang, tenter quelque chose ! Je ne peux pas courir derrière et l’aborder comme ça ! Non, tenter le tout pour le tout ! - Alors il traverse, se met à courir, fait le tour du building. Il va falloir remonter deux blocs pour avoir une chance de tomber face à elle - Bon dieu, j’espère qu’elle n’aura pas changé de direction ! Je serai essoufflé, tant pis, on verra à ce moment là - Il court, il a le cœur qui bat à cent à l’heure, il est heureux et stressé. Il tourne à gauche, remonte le second bloc - Bon dieu, déboucher là et la voir apparaître ou pas (depuis quand j’avais pas couru ?) : le moment de vérité. La vie entière, ce sont des moments. Elle est là ! Avoir l’air calme, avoir l’air surpris, avoir l’air naturel (paradoxe). Il l’aborde. Et sachez le, ils vivront ensemble et auront un enfant. Comme quoi !

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"Je vous écris d'un pays lointain" (18) En ce moment me fascinent vos mots dans langue de syllabes seules. J’aime à les prendre et qu’ils éclatent comme bulles où grand dégorgement de sens. D’abord je les répète en litanie pour uniquement la musique. Après seulement que le vertige quand rendu libre tout ce qui sommeillait en enfouissement. Pour dire je m’assois face au mur de ma pièce de jour, et je fais balancier de tête et d’épaule, très léger balancier en lenteur régulière. Et je répète ainsi, celle-ci ou d’autres : dans ta nuit trop de mots ne sont plus que chiens bleus. Je répète sans lassitude, en attente de l’instant où ce qui du poids aux entrailles s’enfoncera peut-être moins. Difficile d’expliquer, mais qui essaie saisit un peu de ce qui se passe alors. La phrase n’est pas d’importance, mais toujours de syllabes seules. Comme : mes yeux n’ont plus le lien qui te fait loin du temps. Ou : le rat qui croque et rit s’en va seul et meurt sur rails. Mais oblige à trop mâcher les mots, celle-ci. En espérant ne pas vous avoir trop importuné avec mes manies intrépides, bien à vous, …

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La messe est dite pour le cyclamen. Les pétales en croix sur leur tige effondrée et effeuillée avaient rendu leur couleur. Pas de veine, pot pourri. Mais au jardin, au printemps, cette triste nouvelle ne passe pas inaperçue. Elle est suspecte. Le souci s'inquiète et mène une enquête discrète. Qui ? L'ortie est blanchie, pas de traces urticantes. L'asperge ne semble pas mouillée non plus. La digitale aurait laissé plus d'empreintes. Du côté des menthes, la jolie ou la folle sont un peu trop voyantes. Quant à l'ignoble igname, il ne sort presque plus de terre. Qui ? La renoncule du monticule, qui n'en descend jamais, prétend que le rosier personnage avait une épine dans le pied. De mauvaises herbes racontent qu'il a discuté avec le panais connu pour son poison. Mais aucune preuve d'empoisonnement. L'étau se resserre autour de l'ultra-violette et de son extrême jalousie des couleurs.

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Un autre phénomène avait provoqué des inquiétudes extrêmes, il avait heureusement été très localisé mais ses conséquences funestes étaient immédiates, et il était impossible d'assurer qu'il ne se reproduirait pas. Sur la rive sud de la Flondièvre, à la hauteur du confluent de la Branne, l'air s'était solidifié. En trois jours, le brouillard qui stagnait là s'était épaissi toujours et encore. Au cours du troisième jour, le brouillard était si dense que la lumière du soleil ne parvint quasiment pas jusqu'au sol. Et la nuit qui suivit le troisième jour, il se pétrifia. Au matin, on vit un petit mont rocheux et nu au sud du confluent, là où auparavant se trouvait une ville. De toutes les altérations subites de l'air, celle-ci était devenue la plus effrayante.