L’Homme-de-la-Gare-Saint-Charles
avait vendu ses yeux, je me souviens, pour pouvoir les ouvrir un peu plus
longtemps et sur autre chose, croyait-il, que le désastre de sa pauvre vie d’enfance
courte et de mitard avec personne au parloir, personne dehors. Il avait vendu
ses yeux. Ce n’était pas une rente mais un capital, et il faisait un drôle de
capitaliste sur le parvis de la gare Saint-Charles.
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Jean a
dit « il y a le blé, le meunier et le boulanger, il y a les peintres décorateur
de façades », il y a la palette graphique, il y a le vert qui dit
l'adresse, il y a les fruits et légumes flétris de réfrigération, il y a les
rayons d'éponges, les fromages sous plastique, les marques de pâtes, et les
coquillettes sans marque, il y a de plus en plus de sortes de cafés pour le
commerce équitable, parfois bios, il y a les balais et les stylos billes, il y
a des savons de petites fabriques régionales, il y a d'énormes paquets de
coquilles Saint-Jacques surgelés, il y a des ampoules basse consommation et les
shampoings et produits pour douches du petit marseillais, il y a le plaisir
d'il n'y a pas de musique, il n'y a plus de caddies et paniers de métal, il y a
ce plastique vert qui m'évoque souillures, il y a l'imagination du designer qui
a créé les chariots, il y a leur laideur si grande qu'attendrissante, il y a
les sourires ou maussaderies dans la queue, il y a les caissières habituelles
et les petites plaisanteries elliptiques, il y a se demander comment porter
tout cela.