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À
chaque élection présidentielle, Léon faisait ce rêve étrange: une valise, des
liasses de billets qu’il y enfourne, puis sans transition un hall d’aéroport,
et là ce sentiment d’angoisse à l’idée de la douane, ne savoir que faire,
tourner en rond et, torturé d’angoisse, finir par se réveiller, en sueur et
encore tout tremblant, reconstituer son entourage immédiat, le canapé-lit,
là-bas, un peu plus loin que le bout de son bras, la kitchenette, l’horloge du
micro-onde, et se sentir rassuré...
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Cher
toi, Je voulais te dire que ça doit être bien loin l'endroit où tu es parti,
mais bon, enfin je l'imagine puisque je n'ai plus de nouvelles, enfin loin,
c'est peut-être en France qu'est-ce que j'en sais, enfin je voulais que tu
saches que même si c'est loin, je suis prête à y aller, enfin si c'est un
endroit accessible par les transports en commun, je pensais prendre le train et
après pourquoi pas le car, évidemment si tu es en haut d'une montagne ou dans
un trou perdu je reverrai ma proposition. J'élimine d'emblée la solution de
l'avion, car je panique au décollage. Je cherche la raison de cette lettre qui
traversera le ciel pour t'atteindre. Pourquoi cette brusque envie de te
rejoindre, pourquoi maintenant ? Je ne sais pas, ça m'est venu ce matin en me
réveillant. Il faut dire que j'ai rêve de toi. Ça n'aide pas. Donc si tu reçois
cette lettre dis-moi de quoi tu as besoin, je pourrais te l'apporter dans ma
valise cabine hyper-légère à quatre roulettes. Tu imagines son contenant, donc
je ne peux pas prendre des choses trop volumineuses. Penses-y. Contrairement à
toi, moi j'habite encore Paris intramuros, ce qui est pratique pour prendre le
train, vu qu'il y a cinq gares et non quatre comme au Monopoly. Je suis sur le
pied de guerre et les charbons ardents, donc j'espère que ta réponse ne tardera
pas. Ici en plus il pleut comme génisse qui pisse et je suis lasse. J'espère
que tu as eu le bon goût de te faire une jolie petite place au soleil. Mais à
un endroit accessible en transports en commun. Je les privilégie pour réduire
mes émissions de co2, depuis que tu as disparu, j'ai eu le temps de me faire
une conscience du monde et des énergies. Comme tu vois je reste bien disposée à
ton égard et ce serait dommage que tu n'en profites pas une fois de plus. Tu
peux encore tirer sur la corde et la chevillette chèrera. Je t'y incite, t'y
invite, t'en prie. Ma valise cabine profilée à quatre-roulettes attend au pas
de la porte que je la remplisse autant que mon cœur est plein. Rempli jusqu'à
saturation et si lourd qu'il faut que je te revois pour l'alléger autant que le
fromage blanc 0 pour cent dont je me goinfre. J'espère que tu sauras une fois
de plus lire entre mes lignes. Love and place aux retrouvailles.