samedi 10 juillet 2010

240 : vendredi 9 juillet 2010

Une fois chez lui ce soir, le jour où il avait été suivi pendant tout le trajet depuis son lieu de travail, il avait relu à plusieurs reprises les trois histoires que contenaient le pli du 2ISD. Il y cherchait un message ou une explication, il tâchait d’exploiter le peu qu’il avait sous la main pour comprendre qu’un pli d’un organisme totalement inconnu ait pu être envoyé sur son lieu de travail, un lieu que quasiment personne ne savait qu’il fréquentait. Il espérait aussi deviner à partir de ces trois paragraphes que la filature qu’il avait subie y était liée. Il espérait le deviner ou le craignait plutôt, il eut rapidement peur d’être la cible innocente d’une machination gratuite et hasardeuse dont il ne pouvait imaginer les formes et les ressorts. Il n’y avait aucune raison à ça, mais il n’y avait non plus aucune raison pour qu’il soit suivi dans les rues, ni aucune raison qu’un organisme inconnu lui fasse parvenir, là où il était largement anonyme, trois histoires qui ne le concernaient pas du tout. Sa peur était augmentée par le sentiment d’insécurité qu’il éprouvait dans cette ville tentaculaire et indifférente où il était seul. Il se sentait sans secours. Il reprit les textes. L’histoire d’un homme qui assiste à l’enterrement de sa mère, et qui n’y connaît personne. Outre que la solitude de cette personne devait être comparable à la sienne, il ne voyait le moindre rapport avec aucune situation qu’il avait pu rencontrer. L’histoire d’un groupe de personnes qui gravissent perpétuellement un escalier sans fin lui rappelait bien la répétitivité et l’absurdité de sa tâche d’enregistreur de courrier, mais ils devaient être des centaines de milliers dans cette ville à bûcher de la sorte à tels emplois machinaux et abrutissants, tout ce monde avait-il reçu sa livraison sous pli de trois histoires étranges ? Il en doutait, il lui faudrait vérifier, quitte à aborder des inconnus, faire une enquête à son échelle. La troisième histoire évoquait une planète, peuplée d’humains, saturée à l’extrême de constructions humaines, où il n’y avait presque plus aucun espace libre en dehors d’une unique mégalopole étouffante. Il avait le sentiment que la ville où il vivait était comme cette planète. L’histoire d’une autre monde lui rappela une rumeur qui circulait il y a peu et dont il avait entendu parler par hasard : il existerait un continent dont toutes les autorités mondiales dénieraient la réalité, et vers lequel il serait possible de clandestinement s’évader. Ce mystérieux continent serait l’exact opposé de la planète décrite dans le texte, et de la ville qu’il connaissait : un territoire pacifique et tranquille où chacun vit dans d’amicaux paysages où il peut résider à sa guise, sans être écrasé de travaux sinistres. Il relut de nouveau les trois textes, et échoua encore à trouver une explication aux étranges incidents qu’il avait récemment connus, ni le moindre indice qui aurait pu l’éclairer à ce sujet.