samedi 17 juillet 2010

247 : vendredi 16 juillet 2010

Tout ce que lui a raconté Charbit-Bled, ça a fait comme des poussées de fièvre et des remontées d’acide tout du long du Stup’, il s’est retrouvé plongé dans la spirale face au démon, à poil à devoir affronter les dragons qu’il croyait avoir déjà vaincus, foulés au pied et ratatinés pour de bon, mais les voilà qui reviennent en plein milieu de la vue imprenable, et le Stup’ se sent en haut de la piste pour la descente aux enfers. Charbit-Bled lui débitait les nouvelles activités de son retour triomphal au plus haut des cieux du royaume du cul, il y prenait goût à les débagouler ses chantiers, ça y allait la gourmandise, il lui a peint tout le tableau, mais pas façon minimaliste, non, Charbit-Bled il lui a fait le tableau genre primitif flamand, tous les détails y sont passés, et c’est là que le Stup’ a eu la tête qui est partie à tourner, là qu’il a senti des fourmis lui bouffer toute la peau de partout et lui passer au travers des boyaux et le long de la gorge. Il voit trente-six fois trente-six chandelles, il a l’impression que sa moustache, c’est devenu des lézards qui ne s’arrêteront plus jamais de gigoter l’épilepsie. Le Stup’ est en panique, ses voyants clignotent rouge, tout ce qu’il trouve à dire à Charbit-Bled, c’est qu’il a arrêté le cul, il a arrêté le cul, je te dis, c’est ça qu’il lui balbutie. Charbit-Bled n’arrive pas à le croire, il arrive pas plus à le croire que si on lui disait qu’à partir de maintenant, il allait se mettre qu’à ne plus rien faire d’autre que de la peinture sur soie. Le Stup’ arrêter le cul ? C’est la meilleure de l’année, c’est la meilleure de la décennie, il lui semble pas avoir jamais vu de cochon voler pourtant, ni de poulet avoir des chicots qui lui poussaient au bec, voilà ce qu’il est en train de se dire, Charbit-Bled, et le Stup’ s’en rend bien compte. Alors, le Stup’, il se défausse, il se lève de sa chaise et taille sa route en titubant, il vaut mieux qu’il laisse Charbit-Bled en plan, sans payer son café ni faire de politesses, il voudrait être ailleurs, il voudrait être n’importe où ailleurs qu’en lui-même au rendez-vous de l’Armageddon de sa conscience vs le cul, alors il faut qu’il se retrouve tout seul, là, le Stup’, parce qu’il sait qu’il n’est pas beau à voir en ce moment, que là il a juste la gueule d’un mec qui à beau en avoir vu des paquets de vertes et des brouettées de pas mûres, qu’il lui faudrait pas moins les jupons de sa mère pour aller s’y planquer. Le Stup’ a sa pudeur, il veut pas qu’on le voie dans cet état là, et surtout pas Charbit-Bled. Charbit-Bled, il en reste comme deux ronds de flanc, il se met à se marrer tout seul à sa table du Reinitas une fois que le Stup’ a mis les bouts. La vache, qu’il se dit, Charbit-Bled, le Stup’ qui pique un fard, pince-moi je rêve. Et Charbit-Bled de commencer à croire que le Stup’ a vraiment arrêté le cul, et de se dire que son vieux lascar de pote ne devait pas filer que la moitié du quart d’un mauvais coton.

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Un trottoir si étroit que les petits parpaings gris clair qui le constituent ont dû être recoupés, et la petite bande gris sombre qui le borde est trop fine pour que l'on puisse jouer à marcher en évitant les joints. Un trottoir qui n'est pas fait pour marcher, juste pour s'y réfugier quand une voiture s'annonce, lentement, avec la délicatesse d'un invité peu sûr de lui, et quand par hasard, de temps en temps, on a affaire à un fou, un butor, un imbécile, un étranger qui dépasse les vingt kilomètres à l'heure, on se colle au mur, terrorisés. Je joue à rester dessus, avec l'impression d'être une merveilleuse acrobate sur un fil.