samedi 28 janvier 2012

788 : vendredi 27 janvier 2012

Les Aquaplans n’ont jamais rien demandé à personne ni rien attendu de rien. Il arrive pourtant que quelqu’un ou quelque chose les déçoive.


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Excofier s’enquiert auprès de Picris de la suite de farigouleBASTARD. S’il était toujours à l’hôpital. S’il avait trouvé de quoi se nourrir, se loger et de vêtir. Si on avait retrouvé la mule au relais après la Vieille. Si la Vieille avait été tenue informée des évènements. Si Celle avait été tenue informée des évènements. Si farigouleBASTARD avait pu déposer la commission à Paris, ainsi que les échantillons de nougat et de lavande. S’il avait songé au retour. S’il avait trouvé le lieu d’exposition. Picris se contentait de hocher la tête et ne répondait pas. Il n’appréciait guère le “sieur Excofier”, de famille, les arbres ont des racines profondes, et plus encore depuis qu’il avait cherché à l'engrener dans ses “affaires” lui et ses amandiers et même les lavandes de l’Albe — lesquelles au demeurant ressortissaient non directement de lui mais de la famille de sa belle-sœur Eliette Faure qui avait quitté avec son frère la région pour Forcalquier où celle-ci avait quelques accointances. Ce subit intérêt du notable en trois velours pour les froques de l’ami le révulse. S’il n’y avait ses petits trafics, non plus que le serpent qui dort dans sa bouche, il n’en penserait pas plus que d’un étourneau. En soi, Picris n’avait rien de solide à croquer, ni de nouvelles de farigouleBASTARD, avec lequel il ne communiquait qu’au travers d’une adresse absolument étrangère à lui, et l’autre ne répondait guère. Il l’avait appelé depuis une cabine quand il fut sorti de l'hôpital où il n’était resté qu’un brin, à ses dires, mais depuis, c’était l’habituel silence-farigoule. Quelle drôle d’idée d’aller à Paris, comme s’ils se souciaient de nous ! Une erreur sur la personne, voilà ce qu’il en reste et baste. Ça ne méritait pas d’interrompre la scope ou le rami, et personne n’y parlait plus, pas plus que la mort qu’on redoutait autant qu’elle faisait bavarder — mais un temps seulement. Alors non, Picris ne répond. Il ausculte le visage de l’autre, qui déjà s’est détourné et parle cantonales avec d’autres encore. Des gilets velours, que ça. Ça vaut pas rien. Ce qu’il en sait, pour l’heure, reste en gueule. Un peu de brindilles colportées par les on-dit — on se fait un nid de mots, ça fait tenir l’hiver. Qu’on l’a vu discuter avec une ombre à l’estanco, qu’il a plongé dans la crau et semblait fatigué, qui boitait. Qu’il n’avait plus la mulesse. Qu’il l’avait donc laissée à quelque part. Qu’il a été croisé par le véhicule du Père Moure entre le château et la station d’épuration, à peu près. Que des gamins l’ont vu, géant barbu, dans ses frusques de mouton avec sa pipe, au guichet de la gare de Montélimar-ville. Qu’il aurait même bu une bière là. Qu’il est monté dans le train rapide, le tégévé. Ils sont là-dessus formels, qu’eux attendaient le téheuhère d’Avignon, qu’est large mais tout pété. Qu’en sus un bougre comme ça ça ne se confond pas, un maure, un minotaure, avec son costume de santon, des Ets Chono-Giar, Laragne, depuis 1862. On aurait dit le tambourinaïre de la crèche, fagoté comme pour un réclamation dans un mauvais film de Pagnol. Formels, ils s’en sont faits des gorgées chaudes. Ils ont bien rigolé. N’empêche, dans le train, il riait moins le farigouleBASTARD, qui voyait le soleil plus petit et traverser des plaines riantes de solitude, et les villages dessinés dans les almanachs de France, qu’est-ce a dit ? Tout ça reste muet, reste dans son nez au Picris, qui se ressert un jaune, parce que c’est pas tout ça, mais il y a encore vêpres.


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Que l’éléphant puisse à loisir se transformer aussi bien en fou qu’en évêque laissa Léon pantois.


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Non mais ça c’est l’encart, il est sur la Bal, essaye de l’ouvrir, mais il faut recréer tous les liens, il doit être dans son dossier, je pose une question, voilà, essaye encore, tous les liens un à un mais c’est de la folie, non mais ça c’est pas le dix pages, ça c’est l’encart, elle l’a laissé sur son dock, on peut l’ouvrir. Derrière son ordi un jeune homme brun soupire pendant que ses doigts courent sur le clavier. - C’est le doc que tu as ouvert, j’ai trouvé ça, oui, oui, je te parle de l’encart, comment je peux le faire, c’est pas le même, je rappelle l’informatique, ah bon, je te dis qu’il ne s’agit pas de ce doc, elle n’a pas bossé dessus, en même temps si elle te donne le chemin, c’est bizarre, c’est impossible que le doc soit fermé, essaye encore, le problème c’est qu’il doit bien y avoir quelqu’un qui sait ouvrir ce doc, tu pourras m’envoyer des pdf, et sinon Hélène peut l’ouvrir sur son bureau, je ne sais même pas ce qu’il faut faire, c’est un doc d’exé, quoiqu’il arrive c’est mieux de recommencer dès le début, il faut le mettre sur une clé usb, si je ne sais pas ce qu’il y a à faire comment je peux le faire, faut jamais travailler sur un doc d’exé, il faut l’afficher sur le bureau. La femme blonde exaspérée se concentre et va à un bureau plus loin. - Il faut insister lourdement, elle insiste lourdement, mais si elle a travaillé dessus hier, ah bon, comment ça se fait qu’on arrive pas à l’ouvrir aujourd’hui, rappelle l’informatique aujourd’hui, de toute façon s’il n’a pas accès au serveur, qu’est-ce qu’on peut faire, recréer les liens un par un, recentre la, voilà, c’est trop long, moi je comprends rien, faut juste qu’on m’explique ce qu’il faut faire, en fait on ne voit pas les visuels, je voulais savoir si c’est là dessus qu’elle a travaillé. Autour d’eux, des gens s’affairent, passent des coups de fil, discutent, c'est électrique. - Il faut remettre les visuels à gauche, là on tourne en rond, on repart d’un ancien doc, en somme faut repartir en arrière, ce qui m’inquiète dans la prochaine phase, sinon on ne peut pas travailler dessus, y a un truc, comment je peux le faire, tu m’appelles, on va tout recaler, ça va aller, c’est dans l’encart, ah bon, il faut prendre l’image à gauche, peut-être, il faut refaire tout page par page, sur quoi elle a travaillé. Voilà. Super merci bien je t’en prie.


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Elle se sent légère comme une bulle qui s'élèverait dans les airs. Bras repliés autour de ses genoux, elle admire le vent sur l'herbe verte encore mouillée alors que le soleil sort timidement de derrière les nuages. Ses poumons enflent d'une paisible tranquillité, son visage se tourne vers l'avant, les yeux ouverts et heureux. Comme la fin d'un orage, une page est tournée et elle avancera, certainement. Mais pour l'instant, l'immobilité de ce paysage lui suffit tandis qu'en elle un chant rayonne.