Dix bouddhas dodus boudaient debout dans la boue. Le premier parce qu’il avait perdu son perroquet, un perroquet qui philosophait sur un palanquin où il faisait plus frais que dans le palais. Le deuxième au début déclara qu’il détestait ce perroquet qui dans un duel de dialectique l’avait ridiculisé. Puis il concéda, conciliant, qu’un tel phénomène de foire et qui plus est cocasse méritait d’être conservé et que l’on allait tout faire pour le retrouver. Le troisième était terrorisé par l’oiseau tueur de théorème et tenta de troubler ses comparses en télescopant leurs recherches tatillonnes avec un autre sujet de préoccupation : la disparition d’une table géante de multiplication. Le quatrième calculait en effet avec peine et comptait sur cet ustensile et sur ses doigts, ce qui lui conférait une aura de petit coquin qu’il recevait à chaque remarque comme une claque. Le cinquième susurra que les soins portés à l’oiseau disparu nécessitaient trop d’attention et que sans ceux-ci jamais on aurait laissé des yeux s’éloigner la table de multiplication. Le sixième tel un sioux zélé releva des traces près du temple et assura que la table ne s’était pas envolée mais avait bel et bien était volée. Le septième s’exprima à son tour en ces termes : « qu’on inscrive ici sur cette pierre qu’un perroquet et une table le même soir se sont échappés ». Le huitième osa alors ouvrir sa bouche et émettre un doute quant à l’honnêteté du perroquet qui pourrait être l’auteur du vol de l’ouvrage dont aucun double n’existait. Le neuvième avait vérifié dans toute la ville si quelque part le volatile ne s’était pas évanoui et rentrait vexé d’avoir en vain cherché. Le dixième dit alors son dédain pour ses neuf camarades trop dodus pour détaler sous la pluie qui commençait à tomber, trop paresseux pour avoir veillé à ce qu'ils avaient de plus précieux, trop occupés à méditer. C'est pourquoi debout dans la boue les dix bouddhas boudaient.