samedi 10 mars 2012

829 : vendredi 9 mars 2012

Les Sirènes de la Mer Morte chantent des chansons paillardes en buvant du vin de vinaigre. Les marins de passage leur versent sur la tronche les restes de midi.

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Météore [de la beauté], toute sa vie, depuis le premier souffle et le premier œil percé de lumière et enseveli sous le monde, et ses rumeurs et ses parfums, et son immanquable remuement, permanent, perfide et permanent, mais aussi depuis le premier souvenir, pas le premier choc, mais sans doute le premier trauma, qui est un choc formulé avec du corps, et puis enfant, dans la grande solitude de l’enfance, puis jeune adulte, dans l’idiotie de cet âge, et puis vieillissant car vient un point où il n’y a plus rien d’autre que le pire en marche, il avait poursuivi claudiquant [quelque chose] qu’aucun autre de ses contemporains, de ses voisins, de ses pairs, n’avait semblé jamais pu même soupçonner l’existence, n’avait semblé jamais ressentir la pression ou n’avait semblé jamais dû éprouver la nécessité, ce longuement-frôlement d’une présence, d’une présence invisible, inodore, non physique, une présence justement de ce qui ne se satisfait pas d’être seulement matériel, justement de ce qui ne se résout jamais à être seulement ramené à de la présence, mais au contraire quelque chose fait [d'éphémère] dont le compagnonnage permettait d’avancer tout à la fois, comme il inquiétait toujours, et cette compagnie n’était pourtant pas pesante, ne pouvait l’être, comme éphémère, mais permanente pourtant, immatérielle et pourtant sensible, et cette compagnie murmurait à l’endroit des clous du destin, là où dans la vie on s’engage vers quoi on ne peut reculer, cette compagnie revêtait un caractère tout autant surnaturel, étranger plutôt, comme un hôte, comme un rythme, comme un pouls qui se laisse oublier[et fondamental], comme tous les organes savent le faire et toutes les machineries de précision qui ronronnent, clignotent et s’agitent à l’intérieur, sans qu’on en aie jamais ni conscience, ni peur, ni envie, sans qu’aucune sensation particulière ne se fasse jour, ou alors si dans la maladie, la maladie qui justement enrayait l’engrenage, mais de ce point de vue là on peut dire qu’il a été plutôt épargné, ce qui lui laissait présager que, compte tenu que chacun mérite son lot de souffrance sur la terre, il ne serait pas d’une vieillesse profonde, et là il se trompait, puisque justement il avait entendu, on peut bien le dire à présent, la musique [que seuls les morts], c’est-à-dire la presque totalité des contemporains, des voisins ou des pairs, c’est-à-dire la foule infinie et l’armée la plus grande, que seuls les morts [ou leurs semblables], c’est-à-dire tous les autres, les vivants les souffreteux, les déployants les renfrognés, les bavards les silencieux, les uns et les autres, les bons comme les mauvais, les seuls et les plusieurs, cette musique était cette compagnie, ce fond sonore constamment allumé sur la paysage et les reliefs du corps, que tous [pouvaient entendre] et pouvait s’y rendre, et l’affirmer haut et fort, maintenant, c’était chose acquise, c’était ce pourquoi il avait vécu, souffert, s’était battu, s’était levé contre, s’était levé, avait pris la parole, avait combattu, avait dit non, c’était à présent évident, maintenant le oui.

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Avachie sur le strapontin, la peau contre la vitre, elle lève les yeux pour regarder le ciel par delà les arbres. Le train a ralenti et les branches des allées campagnardes ponctuent le soleil dans une danse sereine. Elle reste ainsi des heures tandis que les kilomètres filent, à sentir les vibrations et les cahots, le regard dans la lumière encore froide de la fin de l'hiver.

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Jamais Léon ne vit sortir la vérité d’un puits de science.