mardi 10 août 2010

271 : lundi 9 août 2010

C'était retirer le temps au temps, chaque matin, dans le bus ou le métro, fermer les yeux, casque sur les oreilles et musique fort pour recouvrir le monde, dormir et ouvrir les yeux à la station, comme si rien ne s'était passé ou comme si c’était un rêve dont on s’éveillerait le soir, éteignant la musique chez soi.


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Ils cherchèrent donc plus attentivement encore, dans la ville abandonnée, de quoi manger. Ils entrèrent dans les maisons, qui presque toutes présentaient des portes enfoncées, et fouillèrent dans les placards des cuisines, dans les caves et les celliers. Beaucoup de vivres avaient été emportées depuis la désertion des lieux, une bonne part d’entre eux avait dû l’être au moment même du départ des habitants. Caroline et lui choisirent une des maisons comme camp de base, une de celles qui bordait une placette à leur goût, et ce choix d’une maison fut l’occasion d’un moment de détente et de distraction. Ils s’en amusèrent et plaisantèrent un peu. C’était le premier moment agréable qu’ils partaient depuis le début de leur fuite, et au moment de se séparer pour partir fouiller les maisons chacun de leur côté, ils se donnèrent quelques uns des gestes d’affection qui leur avec manqués depuis lors. Ils eurent envie de faire l’amour et se le dirent, mais s’en tinrent spontanément là dans les rues de ce cadre urbain. Alors qu’ils séparaient leurs chemins, il se retourna et lança à Caroline que leur retenue quant au lieu de leurs ébats était un réflexe inapproprié, puisque toute la ville était déserte, et qu’ils avaient en fait le privilège exceptionnel de pouvoir faire autant qu’ils le voulaient l’amour dans les rues, sur les places et les ponts, sur les marches de la mairie et même de l’église si l’envie leur en prenait. Caroline libéra un rire, lui répondit “tout à l’heure” et reprit son chemin. Les recherches ne furent pas vaines, il restait au fond de placards ou dans des coins de remises quelques fonds de sacs de pommes de terre, quelques paquets de pâtes alimentaires ou de biscuits, des boîtes de conserve également. Ils rapportèrent tranquillement tous ces vivres à la maison qu’ils s’étaient choisie. Ils étaient contents alors. Le bois et le papier ne manquaient pas dans les maisons, ni les poêles ni les casseroles, ils feraient du feu pour cuire leurs aliments. C’est Caroline qui trouva le moyen d’obtenir de l’eau : il en restait dans les ballons d’eau chaude et dans les réservoirs des chasses d’eau. Ils penseraient bientôt à la suite et le devraient bien, mais pendant quelques jours accomplirent l’exploit de n’y point penser, coulant des heures tranquilles où ils mangèrent quand ils le voulurent, dormirent et se promenèrent à loisir et eurent un usage inédit et réjouissant des marches d’église, des rambardes de pont et des platanes qui ombrageaient les places.